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Qui suis-je vraiment ?

Nom

Cadoret

Prénom

Azéline

Age

50 ans

Taille

1.71 m

Couleur des cheveux

Blonds depuis quelques années

Couleur des yeux

Noisettes (c’est plus joli que marron, mais ils sont marrons, snif !)

Profession

Professeur d’anglais souhaitant se reconvertir

Situation de famille

Divorcée une fois, séparée une fois, célibataire dégoutée depuis la dernière histoire fâcheuse.

Une fille de 22 ans et un fils de 17 ans, beaux, intelligents et sympas la plupart du temps

hobbies

lecture, le cinéma, la natation et la marche

 

 

Qui suis-je vraiment ?

La fille sympa sur qui on peut compter ? La mère attentive à qui on peut tout demander ? La prof compétente et efficace, aimée de ses élèves et de ses collègues ? La malade qui s’efforce de guérir avec courage, et ne s’écoute jamais ? La copine intéressante avec qui ont peut discuter, de tout, de rien, mais aussi de sujets intéressants ? La femme amoureuse, dévouée et séduisante ?

Ou bien, la fille égocentrique qui ne pense qu’à elle ; la mère égoïste qui n’a jamais le temps pour sa progéniture et adore la décourager ; la prof fainéante qui vire ses élèves à tour de bras, et s’arrête en congé maladie pour un rien ; la collègue soupe au lait qui râle toujours contre quelque chose ou quelqu’un ; la malade qui se plaint tout le temps et passe son temps à regarder la télé ; la copine un peu bornée qui ne supporte pas la contradiction et n’écoute pas ses interlocuteurs ; la femme indifférente, centrée sur sa petite personne qui se laisse aller.

Voilà deux femmes bien différentes. Il n’y en a pas une avec tous les défauts, ni une avec toutes les qualités, mais le mélange se fait au gré des événements, il n’y rarement que du bon, et rarement que du mauvais. Ces deux êtres coexistent dans ma petite personne. Je suis un  être humain avec ses forces et ses faiblesses.

On peut compter sur moi, mais il est des moments où j’ai aussi des soucis et des problèmes et où je ne peux pas être disponible pour les autres.

J’essaie d’être une bonne mère, mais les enfants n’écoutent jamais les conseils :

« J’ai fait un gratin de courgettes »

Mes deux rejetons en cœur :

« Encore ?! On n’a pas très faim de toute façon »

Sur la table de salon, le plancher, et le canapé  traînent les reliefs d’un méga goûter qu’ils ont pris à 6 heures, Nutella (la star de la maison), tartines, céréales, lait, chocolat en poudre, confiture. Assez pour nourrir un petit Ethiopien pendant un mois.

Je suis la rabat joie qui met le doigt sur les problèmes pour leur éviter de faire des bêtises ou de se retrouver dans des situations délicates.

Ma fille :

« A la rentrée je prends un appart à Paris »,

Moi :

« Tu as trouvé un travail ? »

Mine effarée de ma donzelle :

« Je le trouverai quand je serai là bas »,

« Tu as assez pour payer une caution et le premier mois de loyer ? »

Le regard bleu de ma minette (elle les tient de ma grand-mère maternelle, des yeux gris bleus magnifiques) se change en éclairs qui pourraient me trucider si je n’y prends pas garde :

« Tu veux tout le temps nous décourager ! Je prends un appart, ça ne te regarde pas ! »

Qui se portera garant ? Ma petite chérie n’y a pas pensé.

Mon fils :

« A la rentrée je fais un BTS en alternance »,

Moi, la méchante :

« Tu as trouvé un employeur ? Le premier jour d’école est dans deux semaines »,

Il n’a pas encore cherché, forcément.

« J’aimerais bien aller à New York cet été »,

Je regarde les prix au cas où une super promo me permettrait de les satisfaire.

« Désolée mais c’est vraiment trop cher ».

Ma fille :

« Papa est architecte et toi prof et vous ne pouvez jamais rien nous payer. Mes copains font des écoles de commerce, ils partent en voyage linguistique, et nous on ne peut jamais rien faire ».

Je ne gagne pas assez d’argent pour leur payer des supers vacances, des écoles privées ou des loyers exorbitants. Pourtant je m’achète des vêtements et je sors avec mes copines, quel égoïsme,  leur père dépense peu pour eux, mais c’est normal, lui, il n’a pas d’argent.

Au travail, je ne suis pas plus efficace :

Mes élèves :

« Madame on n’en n’a rien à foutre de l’anglais, vos cours sont nuls, on comprend rien ! »

Dommage j’avais passé une semaine à préparer ma séquence, à trouver des documents sur internet, à les transformer, à les adapter, à les photocopier.

Ma chef :

« Vous avez rempli vos bulletins ? »

Moi :

« Le logiciel ne fonctionne ni chez moi, ni dans ma salle »

« Les conseils de classe sont dans trois jours ! »

Il va falloir que je trouve une solution.

Le conseiller d’éducation :

« Ce soir réunion exceptionnelle  pour parler des problèmes de la classe de Logistique, le professeur de dessin d’art s’est fait agresser ».

Il y avait une réunion hier, il y en a une autre demain. Je dois aller chercher mon fils au badminton à 22 h, les journées commencent à 8 h et finissent bien tard.

Il faut être charmante, maternelle, professionnelle, séduisante, sportive malgré les disfonctionnements du corps. La douleur à gérer. Rester assise des heures sur des sièges inconfortables, faire des kilomètres en voiture pour aller en formation, s’assoir, se lever, se pencher, faire les courses, le ménage, le jardinage.

J’ai besoin d’une infiltration sous radio. Le spécialiste regarde les clichés de mon dos, je suis allongée sur la table d’examen.

« Voilà la colonne vertébrale d’une femme obèse d’au moins 80 ans ! »

Son assistante est un peu gênée, elle lui dit :

« Non ce sont les radios de la dame »,

« Impossible, vous devez les avoir sur mon bureau »,

« Non, je vous assure docteur »,

Il me regarde incrédule,

« Qu’est-ce que vous faites comme métier ? »

« Je suis professeur »,

« Vous faites des déménagements pendant votre temps libre ? Qu’est-ce que vous avez bien pu faire pour être dans cet état là ? »

Je réponds timidement, peu certaine de mon explication :

« Mon cartable est lourd »,

« Comme vous dites ! Il faut vous ménager, vous allez finir en chaise roulante ! »

Un peu de gym, de natation, des cours d’ergothérapie, et le tour est joué, le mal de dos est maîtrisé.

Un engourdissement du bras et du visage me conduisent aux urgences.

Le neurologue regarde l’IRM de mon cerveau :

« Vous avez fait un AVC, vous devriez récupérer à 99 % »

Ouf, je suis passée à côté de la catastrophe. Je suis contente et soulagée comme si j’avais échappé à un face à face, voiture contre camion à 130 à l’heure, et que grâce à ma dextérité de conductrice j’avais évité la mort.

Mon conjoint n’est pas aussi léger :

« Tu es sûre que ça va ? Tu as l’air fatiguée »

 « Je suis fatiguée mais c’est un peu normal»

« On ne pourra plus partir en vacances, faire du sport, tu ne pourras plus travailler »

Par contre dès qu’il s’agit de se mettre à table :

« On mange quoi du gratin de courgettes ? Ah je ne digère pas le lait »

« Il y a de la viande hachée si tu veux »

« Je n’aime pas le bœuf »,

« Des aubergines à la sauce tomate ? »

« Je fais du vélo demain, il faut du lourd ! »

Mon amoureux est exaspéré, je n’assure vraiment pas.

Après le repas, je suis fatiguée de tout et étalée sur le canapé vêtue d’un pyjama en polaire parce qu’en dessous de 20°C j’ai froid.

Mon conjoint :

« On peut ouvrir la fenêtre ? On étouffe ici ! »

« Le problème c’est que je n’arrive pas à me réchauffer »

Il regarde le thermomètre : 20.5 °C

Il faut renouveler l’air dans cette pièce, ce n’est pas sain !

Quelques temps plus tard on me diagnostique une épilepsie due à l’AVC,

« Voilà pourquoi j’étais si fatiguée depuis un an ! »

Deux cachets par jour et le problème est réglé, sauf que mon conjoint est parti de peur de se retrouver coincé avec une impotente.

 

Je nage 1000 mètres en crawl et je « marche » pendant une demi-heure dans l’eau plusieurs fois par semaine. Je pars en vacances à l’arrière d’une moto sur des milliers de kilomètres. Je travaille à plein temps, je cuisine et je n’ai pas de femme de ménage ni de jardinier. Je gère mon budget du mieux possible et ne suis jamais dans le rouge.

Mes enfants sont bien habillés, ils font des études et ont chacun leur chambre.

Mes élèves sont globalement contents de ce que je leur apprends quoiqu’ils en disent,  mais je ne progresse pas dans ma carrière, et mon salaire est au point mort.

Qui suis-je vraiment ?

Pas une sainte, pas une super woman, une femme normale qui fait ce qu’elle peut, et du mieux qu’elle peut avec les moyens qui lui sont donnés. Certaines font mieux que moi, mes conjoints me l’on maintes fois répété, tant mieux pour elles et pour leur entourage. On me dit aussi que je laisse espérer mieux, mon tort est peut-être de faire trop bonne figure, je devrais faire l’idiote, la gourde, dire « peux-tu faire ceci ? », « je n’arrive pas à faire cela ». On me croit plus forte que je ne suis. Je donne l’image d’une personne qui résous les problèmes, qui « assure », et quand je n’y arrive plus je déçois. Je fais du sport et on croit que je n’ai mal nulle part, mais si je n’en faisais pas je serais quasiment impotente.

Sorry folks ! Je ne suis ni faible ni forte, ni débile ni super intelligente. Je ne comprends rien à la physique malgré tous mes efforts. Et quand je me lève le matin, sans maquillage avec les cheveux gras, je ne suis pas très attirante. Si j’arrête toute activité physique et que je me laisse aller à la gourmandise, je grossis (mais oui, normale je vous dis !), il m’arrive même de sentir mauvais (incroyable !). Tous les mois j’ai mes règles pendant presque une semaine, avec une migraine pas possible, et une impossibilité de me trouver loin des toilettes le deuxième jour pour cause de changement de serviette, tampon et autre réjouissance. Désolée messieurs encore un défaut, certaines femmes ne ressentent rien et ce petit inconvénient passe inaperçu, pas chez moi… Si je passe mes vacances en moto, je ne peux porter ni robe ni talon, c’est vraiment ballot.

Le mieux est peut-être de ne m’avoir qu’en photo…